Principe • Les mesures courantes • Autres mesures anthropométriques • Méthodes paracliniques
Principe de l'évaluation de l’état nutritionnel
- Une croissance normale étant le garant d’un bon état nutritionnel, la première étape de l’évaluation de l’état nutritionnel d’un enfant est l’étude de sa croissance.
- On appelle « auxologie » la science consacrée à l’étude de la croissance.
Les mesures courantes
Mesure du Poids et de la Taille
- L’anthropométrie est une science permettant d’analyser les caractéristiques d’un individu tels que sa taille, son poids… en effectuant différentes mesures.
- La surveillance de tout nourrisson jusqu’à l’âge de 2 ans comporte la mesure régulière du poids, de la taille et du périmètre crânien. Après 2 ans, la taille et le poids seront mesurés régulièrement.
- Ces chiffres doivent être attentivement recopiés sur le carnet de santé de l’enfant et reportés sur les courbes.
Mesure du poids (P)
- Le bébé doit être pesé entièrement nu, sans ses couches dont le contenu peut fausser la mesure, si possible avant le biberon.
- Le pèse-bébé est utilisé jusqu’à un poids de 10 à 12 kg en prenant bien soin qu’aucune partie du corps du bébé ne dépasse et ne soit en appui à l’extérieur du plateau.
- Au-delà de 10 à 12 kg une balance pèse-personne classique (précision garantie à 100 g ou 200 g) peut être employée.
- La même balance ou le même pèse-bébé correctement réglés doivent servir à effectuer la mesure lors des différentes consultations permettant de suivre l’évolution du poids.
Mesure de la taille (T)
- La mesure de la taille peut être effectuée sur un enfant couché, on emploie alors le terme « longueur ». Elle s’effectue sur une table graduée en centimètres et en millimètres, l’enfant étant couché sur le dos. A une extrémité de la table se trouve un plan vertical fixe et à l’autre un plan vertical mobile. La tête sera en contact avec le plan fixe, les genoux sont bien placés en extension, et le plan mobile vient servir d’appui à la plante des pieds.
- Cette table graduée est utilisée jusqu’à l’âge moyen de 2-3 ans. En pratique, l’enfant doit être très calme et doit bien se laisser positionner et rester immobile, sous peine d’erreur lors de la mesure.
- Pour un enfant plus âgé, on mesure sa taille ou « hauteur » à l’aide d’une toise murale. L’enfant est pieds nus, les genoux en extension, les épaules, les fesses et l’occiput doivent être en contact avec la règle graduée. Les bras sont pendants et les paumes des mains sont posées sur les cuisses. La hauteur de l’enfant est mesurée en faisant coulisser une équerre sur la règle graduée.
Les courbes types
- Les différentes mesures (poids, taille) peuvent être reportées dans des courbes type qui figurent à la fin du carnet de santé. Ces courbes de taille et de poids ont été établies en fonctions de standards pour les enfants en bonne santé, filles et garçons.
- En France, les premières courbes avaient été réalisées en 1975 par Sempé et ses collaborateurs qui avaient établi des références de poids et de tailles grâce à l’étude de 588 nouveaux-nés ne présentant aucune malformation ni anomalie comportementale et dont les parents étaient des français métropolitains.
- Ces courbes -type ont été réactualisées en 1995 du fait de la modification de tailles et de poids des individus normaux au cours du 20ème siècle. Selon ces courbes, le poids, la taille et le périmètre crânien d’un nourrisson ou d’un enfant pour être normal doit être compris dans une fourchette de 2 déviations standards (DS) au-dessus ou en-dessous de la moyenne de référence. Les nouvelles tables n’utilisent plus les DS mais les percentiles. Des mensurations « normales » doivent être comprises entre le 3ème (- 2 DS) et le 97ème (+ 2 DS) percentile. Les valeurs moyennes sont situées au 50ème percentile. Chaque pays a ses propres standards. En effet, il existe des variations suivant le morphotype des populations.
- Exemple : tailles et poids moyens des filles et des garçons de 0 à 1 an
Taille fille | Poids fille | Taille garçon | Poids garçon | |
---|---|---|---|---|
1 mois | 52,5 cm | 3,750 kg | 53,2 cm | 4 kg |
2 mois | 55,9 cm | 4,600 kg | 57 cm | 4,850 |
3 mois | 58,3 cm | 5,350 kg | 60 cm | 5,750 |
4 mois | 61 cm | 6,000 kg | 62,3 cm | 6,450 |
5 mois | 63 cm | 6,600 kg | 64,5 cm | 7,000 |
6 mois | 65 cm | 7,150 kg | 66,4 cm | 7,600 |
7 mois | 66 cm | 7,400 kg | 67,7 cm | 7,950 |
8 mois | 67,5 cm | 7,750 kg | 69 cm | 8,300 |
9 mois | 69 cm | 8,100 kg | 70,5 cm | 8,670 |
10 mois | 70,5 cm | 8,500 kg | 71,7 cm | 9,050 |
11 mois | 71,5 cm | 8,900 kg | 73 cm | 9,400 |
12 mois | 72,5 cm | 9,250 kg | 74,5 cm | 9,800 |
Analyse par rapport aux courbes types
- Il ne faut pas analyser simplement les chiffres bruts et se contenter de lire un chiffre qui peut sembler normal et faussement rassurant mais il doit être interprêté de manière cinétique (en fonction des poids et tailles antérieurs). De plus l’interprétation d’une valeur de poids ou de taille doit tenir compte du contexte ethnique et familial de l’enfant (taille et du poids de ses parents, frères et sœurs), de son poids et taille de naissance, d’une éventuelle prématurité etc...).
- Un ralentissement de la prise de poids chez un enfant suivi d’une absence de prise de poids voire même d’une perte de poids est un des signes les plus précoces de dénutrition. Cependant la perte de poids peut être masquée par la présence d’œdèmes (dus en particulier à l’hypoalbuminémie en cas de carence protéique).
- Le ralentissement de croissance en taille est souvent différé de quelques semaines par rapport à la perte de poids.
Indice : poids-pour-âge (score de Gomez)
- C’est le quotient : poids de l’enfant / poids attendu pour l’âge.
- Si cet indice est faible, l’enfant présente un poids trop bas pour un âge donné. On considère comme normal un indice compris entre 90-100%, comme en état de dénutrition légère un enfant dont l’indice est compris entre 75 et 89%, en état de dénutrition modérée les enfants dont l’indice est compris entre 60 et 74% et sévère quand l’indice est inférieur à 60%.
- Cet indice apporte des arguments en faveur d’une dénutrition actuelle mais ne permet pas de savoir si elle est ancienne ou récente.
Indice : taille-pour-âge ou taille sur âge (score de Waterlow)
- C’est le quotient : taille de l’enfant / taille attendue pour l’âge.
- Un score inférieur 95% suggère une dénutrition ancienne mais ne permet pas de dépister un problème récent, car un déficit de taille apparaît seulement après plusieurs semaines ou mois de perte de poids.
Indice : poids-pour-taille ou poids sur taille
- Il se calcule en divisant le poids de l’enfant (en kilos) par le poids moyen d’un enfant de même taille (poids attendu pour la taille).
- C’est l’indice considéré comme le plus informatif de l’état nutritionnel d’un enfant. Il permet d’identifier les enfants souffrant de malnutrition aiguë. Il est particulièrement utile pour évaluer la dénutrition consécutive à une maladie.
- Toutefois, en cas de dénutrition chronique ancienne, le ralentissement de croissance staturale peut minimiser le déficit du poids : l’enfant devient pseudo-harmonieux, mais plusieurs couloirs en dessous de la moyenne de l’âge. Par exemple, un enfant parvenu à – 3DS pour le poids puis la taille peut avoir un rapport poids sur taille normal après des mois ou années d’évolution et n’en est pas moins inquiétant !
Indices : Interprétation
- Poids-pour-taille supérieur à 90% et Taille-pour-âge supérieur ou égal à 95% : Pas de dénutrition.
- Poids-pour-taille compris entre 80 et 90% ou Taille-pour-âge compris entre 85 et 94% : Dénutrition modérée.
- Poids-pour-taille inférieur à 80% ou Taille-pour-âge inférieur ou égal à 84% : Dénutrition sévère.
- Critères de stagnation pondérale à titre d’exemple
Age de l’enfant | Taille fille |
---|---|
0 à 6 mois | Prise de poids inférieure à 500 g par mois pendant au moins 1 mois |
6 à 12 mois | Prise de mois inférieure à 300 g par mois pendant au moins 2 mois |
12 à 36 mois | Prise de poids inférieure à 150 g par mois pendant au moins 3 mois |
3 à 6 ans | Poids bloqué pendant au moins 3 mois ou perte de poids pendant au moins 2 mois |
6 à 18 ans | Poids bloqué pendant au moins 6 mois ou perte de poids pendant au moins 2 mois |
IMC (Indice de Masse Corporelle ou de corpulence) ou BMI (Body Mass Index)
- Il se calcule en divisant le poids de l’enfant (en kilos) par sa taille au carré. (IMC = P/T2).
- Ce résultat peut être reporté dans des courbes tenant compte de l’âge et du sexe de l’enfant.
- La maigreur est définie par un IMC inférieur au 3ème percentile sur les courbes.
- Cependant, en pratique clinique, l’IMC est surtout utilisé en pédiatrie pour dépister et quantifier le surpoids et l’obésité. Les autres critères (poids pour âge, taille pour âge, poids pour taille) précédemment cités lui sont préférables pour estimer la dénutrition chez l’enfant.
Autres mesures anthropométriques
Le périmètre crânien (PC)
- Le périmètre crânien se mesure à l’aide d’un mètre-ruban, en écartant les cheveux et en appuyant le ruban sur les bosses de l’os frontal en avant et sur la saillie de l’occiput en arrière. Il existe quelques biais de mesure en période néonatale du fait de la présence de contusions et de déformations consécutives au passage de la tête du nouveau-né dans la filière génitale de sa mère. Cette mesure est aussi rendue difficile par les mouvements ou les pleurs de l’enfant.
- Quelques repères chez l’enfant à terme :
• 35 cm à la naissance
• 44 cm à 6 mois
• 47 cm à 1 an (soit 12 cm d’augmentation au cours de la première année)
• 50 cm à 2 ans - Jusqu’à l’âge de 1 an, on peut utiliser la formule : PC en cm = (taille en cm / 2) +10.
- Le PC augmente ensuite bien moins rapidement, en moyenne il existe une prise de 5 à 6 cm jusqu’à l’âge adulte.
Les plis cutanés
- La mesure des plis permet plus facilement que la pesée d’évaluer la masse graisseuse.
- Il existe en effet une étroite corrélation entre l’épaisseur des plis cutanés et la proportion de graisse présente dans l’organisme. La mesure des plis est théoriquement une façon simple et non invasive d’évaluer l’état nutritionnel. Cependant, pour être interprétable, la mesure des plis cutanés nécessite un matériel fiable et un praticien expérimenté.
- Elle s’effectue à l’aide d’une pince anthropométrique effectuant une pression constante de part et d’autre du pli cutané.
- L’importance des dépôts de graisse est fonction de leurs localisations. On effectue donc en général une mesure au niveau du bras (pli tricipital), une autre au niveau du tronc sous l’omoplate (pli sous- scapulaire), et une autre supra-iliaque. Ces mesures sont toujours effectuées du même côté, côté gauche par convention. Les repères anatomiques pour réaliser la mesure sont standardisés car tout écart par rapport à la zone convenue peut générer une erreur notable, qui empêche en outre toute comparaison d’un patient à l’autre ou chez un même patient au cours du temps.
- La mesure du pli cutané n’est pas fiable chez les patients fortement obèses chez lesquels ce pli dépasse 2,5 cm.
Périmètre médiobrachial et périmètre maximum du mollet
Ces mesures sont moins utilisées. La mesure du rapport périmètre brachial sur périmètre crânien (PB/PC) peut cependant s’avérer utile. En effet cet index, valide chez l’enfant de moins de 4 ans, est moins biaisé par l’état d’hydratation de l’enfant.
- Un rapport PB/PC supérieur ou égal à 0,31 traduit un état nutritionnel normal.
- Un rapport PB/PC inférieur à 0,25 suggère une dénutrition grave.
Méthodes paracliniques
Principe
- Ces méthodes d’évaluation de la composition corporelle sont peu employées en pratique courante du fait de leur complexité et de leur coût. Elles ne permettent pas de faire le « diagnostic » de dénutrition.
- L’intérêt de ces méthodes est éventuellement de suivre les variations de composition corporelle accompagnant le traitement de la dénutrition et notamment de voir quels secteurs sont intéressés par le gain pondéral : augmentation de masse grasse ou maigre. Ces méthodes sont donc surtout du domaine de la recherche clinique.
Bases physiologiques
L’organisme humain est classiquement décomposé en 4 secteurs :
- La masse cellulaire active. Elle est essentiellement composée de protéines. C’est cette masse métaboliquement active qui rend compte de consommation d’énergie.
- La masse grasse (tissu adipeux).
- L’eau extracellulaire (dans le plasma et le liquide interstitiel) qui est une masse liquidienne échangeable permettant le bon fonctionnement de l’organisme ainsi que la régulation de sa température.
- La masse minérale osseuse.
L’impédancemétrie bioélectrique
- Elle est basée sur la capacité des tissus hydratés à conduire un courant électrique.
- Des électrodes sont placées au niveau d’un poignet et de la cheville située du même côté du corps. On fait circuler un courant électrique indolore : en fonction de la teneur en eau, du volume, de la résistance au passage du courant et de la fréquence du courant électrique, l’eau corporelle est calculée, permettant d’extrapoler au calcul de la masse maigre si l’on admet que l’eau représente une proportion normale et constante de la masse maigre. Cette dernière restriction s’applique à toutes les pathologies dans lesquelles le secteur hydrique est anormal ou variable (oedèmes, ascite et autres épanchements…). La masse grasse est quant à elle déduite en retranchant le poids de masse maigre calculé du poids corporel.
L’absorptiométrie biphotonique
- C’est la méthode de référence pour l’étude de la composition corporelle et de la masse minérale osseuse.
- L’ensemble du corps est balayé par un faisceau de rayons X possédant deux niveaux d’énergie différents.
- En fonction de la composition des tissus rencontrés (eau, muscle, os, graisse), les rayons sont plus ou moins absorbés. Un traitement informatique des données permet ensuite de calculer la composition corporelle du patient et la composition d’une zone bien précise. L’irradiation générée par cet examen est comparable à celle d’une radiographie pulmonaire.
- Cependant peu de structures hospitalières sont dotées de ces appareils.
- De plus cet examen nécessite une immobilité totale de 10 minutes au moins, ce qui est difficilement réalisable chez un jeune enfant.